Tu ne liras pas ce que j'avais prévu d'écrire
Et aussi : des liens, des livres, un marin et beaucoup de mots.
Hello à tous !
Je m’appelle Samuel Markiewicz, et tu lis Hello, Sam !
Une newsletter qui parle de la pluie et du beau temps.
Bon, c’est quand même un peu le cas, mais ce que j’aime c’est surtout de parler d’humains et de tech. Si malheureusement cette perspective te déçoit, tu peux facilement te désabonner ici.
Si tu es nouveau ici, bienvenue au club ❤️, et bonne lecture !
Hello love ❤️
Mon voyage en orbite se poursuit bon gré mal gré.
Les rapports humains/humains sont toujours plus difficiles que de fixer des bugs dans des lignes de code, mais je progresse.
Et côté santé, pour le moment, je touche du bois (on a beau être féru de gadgets et de bidules futuristes, on n’en reste pas moins accro à ces grigris primitifs).
J’espère que les choses roulent de ton côté.
Bon, je m’installe dans mon canapé, post-repas du midi, et je viens de supprimer tout ce que j’avais écrit il y a quelques jours. Tu rates rien, je pense que j’ai écrit un truc incroyablement pédant, et lourd, et sentencieux.
En fait, une fois n’est pas coutume, j’ai galéré à écrire cette news.
Le point de départ de ma semaine (et donc de ma news) c’était le fait que Meta ait assoupli ses règles de modération de contenu (et d’autres choses encore), pour se rapprocher du nouveau (enfin, pas si nouveau que ça) président des Etats-Unis (Trump, donc). Il y avait même un podcast (en anglais) que je te recommandais sur le sujet.
Et puis il y a eu cet article sur une cartoonist quittant son job au Washington Post à cause d’une censure de Jeff Bezos (Amazon, Blue Origin, et donc… directeur de presse, aussi), cette note sur le Financial Times prévenant que l’Europe était en train de ré-évaluer les enquêtes en cours sur Apple, Google et Meta depuis que leurs leaders respectifs défilent à Mar-A-Lago pour dealer Dieu sait quoi contre leur liberté de faire tourner leurs boutiques. Note bien la différence. Pas pour garantir un monde meilleur, plus juste ou plus équitable. Pour continuer de faire tourner leurs monopoles, se gaver de data sur ton dos, et accessoirement, du blé.
Il y a eu ça.
Il y a aussi eu cet article sur la compagnie aérienne Qantas obligée de retarder certains de ses vols. La raison ? Empêcher que des débris d’une fusée Space X revenant dans l’atmosphère ne bousille ses avions et leurs occupants (ça semble surréaliste, mais oui, on est dans une ère ou des avions partageront l’espace aérien avec des fusées de fret).
Ce documentaire (de 15 minutes) sur Boca Chica, la ville située non loin des pads de lancement de Space X justement, et ce que c’est d’y vivre (ou en tout cas d’y survivre).
Et je te passe les trucs les plus cons que j’ai vu du CES (bon, là je suis de mauvais foi, il y a aussi des tas de trucs chouette), un documentaire sur un mec qui refuse de mourir et essaye de rajeunir (j’ai même écrit une note là-dessus), et un post sur Substack intitulé Privacy Will be the next luxury.
Avec tout ça, toute cette actualité, je voulais une nouvelle fois te parler de notre attachement aux réseaux sociaux, de Facebook, des GAFAM. Redire à quel point c’est dur de se barrer de ces réseaux, et pourquoi, etc, etc… Et c’était long, et tu n’aurais rien appris que tu ne saches déjà.
Je voulais te parler de la difficulté de faire comprendre tout ce que ces compagnies engendrent, parce que ce sont des problèmes très virtuels, à impact malheureusement très réels.
Bref, j’ai viré tout ça, et tu ne le liras jamais.
Delete.
Mais tout ça, quand même, ça m’a fait gamberger.
Alors entre l’écriture de ce premier pavé et ce nouveau texte que je suis en train de t’écrire, outre gamberger et sentir que quelque chose grattait, j’ai fait du ménage numérique.
J’ai supprimé des vieux comptes par ci par là.
J’ai désactivé mes comptes Instagram, Facebook (et peut-être que j’irai jusqu’à la suppression dans quelques mois).
J’ai gardé Messenger parce que tout le monde a les doigts dans le pot de miel, et que faire cavalier seul sur Signal et convertir tout le monde demande une énergie que je n’ai (pour le moment) pas.
J’ai aussi eu le temps de lire deux livres (t’inquiètes pas je suis pas un surhomme, ils sont juste très rapides à lire).
J’ai lu Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce et Etre heureux avec moins de Corinne Morel Darleux. Le second fait partie d’une collection de manifestes dont je t’avais déjà parlé (l’excellente collection ALT de La Martinière), le premier est un livre qui part d’une réflexion sur le marin Bernard Moitessier1.
En 1968, alors qu’il participe au Golden Globe Challenge, qu’il est sur le point de gagner, il décide de ne pas passer la ligne d’arrivée, et de continuer sa route pendant quelques temps. Au final, il passera 300 jours en mer, sans escale.
Pour annoncer sa décision, il communiquera ceci :
« Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme ».
Il y a une multitude de choses intéressantes dans ce livre.
Des tas de mots et de situations qui résonnent en moi.
Il y a aussi la découverte de Corinne Morel Darleux, élue, militante, à la plume belle et sans esbroufe, et à la lucidité rafraîchissante.
Si on se voyait en vrai, je te saoulerai de longues minutes avec ça.
Mais au final, ce qui a le plus fait écho, c’est ce message.
Celui que, malgré nos constats et nos grande gueules, il n’est pas vraiment confortable de passer à l’action.
Et il y a pour figure d’inspiration, celle de Moitessier.
Bon, donc, quand je l’ai lu, ça m’a fait revenir sur mes mots à moi.
Ceux que j’allais écrire (et que j’ai foutu à la poubelle), et ceux que j’ai pu t’écrire depuis quelques news.
J’ai cherché ce qui me grattait, et au fil des pages, j’ai fini par percuter.
À un moment, les mots ne suffisent plus, et il faut faire ce que l’on prêche.
Et c’est aussi simple, et aussi dur, que ça.
À un moment, toute action, même minime, est un pas vers ce qu’on estime être plus juste. Ou meilleur.
« La dignité du présent est ce qu’il nous reste de plus sûr face à l’improbabilité de victoires futures, de plus en plus hypothétiques au fur et à mesure que notre civilisation sombre ».
Ok. Je suis d’accord avec toi, c’est dark. Mais quand même. Que l’effondrement soit réel ou pas, il y a de nouvelles postures à tenir. De nouveaux combats à mener. Même discrets, même silencieux.
Il y a cette dignité du présent à avoir, et ce qui est clair, c’est qu’à partir de maintenant, je souhaite m’y raccrocher.
Il y deux passages de ce livre que je voudrais partager avec toi.
Et qui font écho à ce que je suis, et à cette news que j’écris.
Moitessier n’est pas un solitaire par principe, mais un maverick. Du nom d’un éleveur texan qui refusa au XIXe siècle de marquer au fer rouge son bétail, le maverick est un cheval sauvage qui choisit de vivre en marge de la harde : il reste à distance mais suit la marche du groupe, sans jamais s’en éloigner jusqu’à s’en exclure. Il met de la distance, mais ne se désolidarise pas du mouvement. Il refuse juste le comportement grégaire et l’autorité du mâle dominant. Contrairement au paria, rejeté par ses semblables, le maverick fait lui le choix délibéré de se mettre en retrait.
Ça m’a fait tilt parce que c’est la position que j’occupe actuellement.
Ou en tout cas, celle que j’aspire à occuper (parfois on croit qu’on est plus que ce qu’on est en réalité, merci l’ego).
Je regarde la tech, ses gloires, ses dérives, j’y participe aussi (après tout c’est mon taf, et je dois manger), je garde un oeil dessus.
Et là pour la première fois, en coupant mes liens avec ceux que je fustige, j’ai amorcé ma mise en retrait.
Pas par des mots, mais par des actes.
L’autre passage c’est celui-ci :
Y mettre de l’intention change tout : il ne s’agit pas de systématiquement dévier ou tout envoyer valser par principe, dans un esprit de rébellion devenu mécanique, mais simplement de se poser la question. Et même si la réponse in fine est de continuer à suivre la route indiquée, le fait d’avoir délibéré en soi-même, de poursuivre après en avoir décidé, change tout. Le processus permet de reprendre la maîtrise de la situation, de ne plus la subir en laissant la passivité guider. Cette délibération intérieure est source de dignité.
Au final, je me fous de te convaincre ou de te convertir.
Je pense que chacun fait ce qu’il veut, et que c’est très sain comme ça.
Mais je pense que donner cette volonté d’intention, donner cette possibilité de comprendre, et de remettre en question (ou pas), de ne plus rester passif face à des compagnies qui ne protègeront jamais nos intérêts (tout en gardant une apparence fun et cool), est aujourd’hui une capacité vitale.
Et probablement ce à quoi je m’emploierai de plus en plus.
Il est probable que cette newsletter soit de plus en plus engagée.
Il est probable que je devienne de plus en plus militant. De plus en plus critique.
Il est probable que je finisse par te saouler.
Mais pour paraphraser Moitessier, je continuerai sans escale parce que je suis heureux ici, et peut-être aussi pour sauver mon âme.
Prends soin de toi.
😘
Voilà c’est fini pour cette semaine !
J’espère que tu trouveras ton bonheur dans tout ce bazar.
Comme à chaque fois, n’hésite pas à partager si le contenu t’as plu.
Tu peux aussi m’envoyer des recommandations ou réagir par mail, ici : hellosam@substack.com
En attendant la prochaine news, prends soin de toi, laisse les autres prendre soin de toi, et à bientôt !
😘❤️